Les Réflexes Archaïques

Nous venons au monde avec une capacité minimale à agir, assurée par des réflexes dits "archaïques" (ou primaires).

Par exemple, si l'on touche la paume de la main d'un bébé juste sous les doigts, il serre. Ca n'est pas lui qui décide de le faire, c'est un réflexe. On peut le toucher là avec n'importe quoi, il va serrer.

Les neurologues testent ces réflexes, car s'ils ne fonctionnent pas correctement, c'est qu'il y a une lésion ou un problème de développement du système nerveux chez le bébé, ou bien des signes de démence chez une personne âgée.

Sur les 300 réflexes que nous possédons, une cinquantaine vont être transformés progressivement durant les premières années de la vie. Les neurologues disent qu'ils s'éteignent (ils disparaissent parce qu'ils ne sont plus utiles), certains disent aussi qu'ils sont inhibés. En fait, ils sont mis sous contrôle. C'est à dire qu'ils se déclenchent ou pas, selon le contexte et le degré de développement de l'activité volontaire.

Pour le Professeur Jean Piaget, spécialiste de la petite enfance et du développement intellectuel, tout commence par la maîtrise des réflexes.

Ces réflexes constituent la base de notre système volontaire, que ce soit notre posture, nos fonctions vitales (alimentation, ventilation, sommeil), nos actions sur le monde, nos relations, le développement de notre intelligence, la régulation de nos émotions, ou notre capacité à nous concentrer.

Jean Piaget

C'est le Professeur Jean Piaget qui a posé les bases scientifiques du développement intellectuel, participant ainsi à la naissance de la Psychologie Cognitive.

En contrôlant ses réflexes, le bébé peut se mettre à coordonner sa volonté, ses sens (toucher, vue, audition, odorat et goût), et sa motricité. Ceci est possible parce que la réponse réflexe va toujours dans le même sens, ce qui devient frustrant pour le tout petit enfant à mesure que ses capacités augmentent. Il sera donc incité à les contrôler.

La période pendant laquelle le bébé commence à développer cette coordination est appelée "sensorimotrice". Une fois achevée, suit la période des opérations concrètes. L'enfant développe alors ses connaissances, son raisonnement et ses habiletés concernant les objets. Puis vient la période des opérations abstraites qui concerne les concepts, les idées, le temps, les opérations mathématiques et la géométrie. Ce que l'on considère comme "intelligence".

Mais dans la période sensorimotrice et la période des opérations abstraites, il est déjà question d'intelligence. Les psychologues cliniciens ne s'y intéressent pas beaucoup. Mais pour un psychomotricien, le développement sensoriel et moteur est toujours fondamental.

L'intégration des réflexes et le développement sensori-émotivo-moteur

Il y a pourtant une chose qui a échappé aux neurologues, aux psychologues cognitivistes et aux psychomotriciens. Un enfant peut se développer plutôt normalement en apparence, et ne pas avoir correctement mis tous ses réflexes sous contrôle. Ces enfants présentent des signes particuliers, comme par exemple se déplacer sur les fesses au lieu de faire du quatre patte, ou dormir les fesses en l'air avec la tête dans l'oreiller, ou faire du somnambulisme, ou ne pouvoir s'endormir que dans les bras de ses parents. Si les parents s'en inquiètent, le médecin traitant ou le pédiatre disent que ça va passer, ou que chaque enfant est différent.

Certains spécialistes ne se sont pas contentés de ces explications et ils ont découvert que le contrôle incomplet des réflexes produisait de très nombreux symptômes qui résistent aux traitements médicaux, psychologiques, ou à la rééducation. Plus encore, ces signes persistent avec l'âge, si bien qu'ils se retrouvent chez des adultes ou des personnes âgées.

Des réflexes mal intégrés peuvent être à l'origine de problèmes aussi variés que la dyspraxie, l'énurésie, ou les phobies.

Comment remédier au problème d'intégration des réflexes ?

La transformation imparfaite des réflexes archaïques est résolue par des séances d'intégration. Il s'agit le plus souvent d'une stimulation sensorielle et d'une séquence de mouvements doux, particulières à chaque réflexe. La Psychoposturologie Clinique utilise principalement des procédures d'intégration rapides issues - ou inspirées - de la Méthode Intégration Motrice Primordiale de Paul LANDON.

Cette méthode est particulièrement efficace pour de nombreuses raisons. Je ne développerai ici que les deux raisons principales.

La première est qu'il y a une procédure d'intégration spécifique pour chaque réflexes archaïque. Ce qui répond aux conditions de la mise sous contrôle d'un réflexe, tel qu'Ivan Pavlov les a définies au 19ème siècle.

Ivan Pavlov

La deuxième raison est que les procédures d'intégration motrice élaborées par Paul Landon impliquent majoritairement les voies nerveuses extra-pyramidales. Elles nécessitent donc une coordination entre les commandes corticales et les noyaux gris centraux (ou ganglions de la base) d'une part, et une coordination avec les cervelets d'autre part, pour que les structures du complexe mésencéphale/tronc cérébral puissent contrôler correctement les réflexes (dont les neurones sont dans la moelle épinière). Cela peut sembler un peu compliqué pour quelqu'un qui ne connaît pas la neurologie, mais dit plus simplement, c'est très important pour la posture, pour la motricité, pour l'intégration sensorielle, mais aussi pour notre fonctionnement implicite.

L'implicite en psychologie cognitive regroupe tout ce que nous faisons ou apprenons sans intention, et sans avoir reçu un enseignement spécifique. C'est en gros l'expérience, le savoir naturel, le savoir-faire, l'habilité ou la dextérité, le savoir être, l'intuition, la créativité, l'imagination, que nous construisons par nous-mêmes au contact du monde et des autres êtres vivants, par opposition au savoir scolaire et culturel. Ce fonctionnement implicite constitue plus de 80% de notre activité quotidienne !

Les autres manières d'intégrer des réflexes archaïques ne présentent pas ces deux qualités essentielles, parfois aucune des deux. Elles proposent simplement des situations où les réflexes vont être stimulés, sans apporter une solution au système nerveux pour qu'il parvienne à les intégrer. Or, s'il ne l'a pas fait de lui-même, c'est qu'il ne peut pas y arriver seul.

Une fois le réflexe intégré, ses effets négatifs cessent immédiatement, ses effets indirects aussi dans un délai de quelques semaines.

Des exercices-jeux à réaliser chez soi, quotidiennement, entre deux séances, peuvent éventuellement approfondir l'intégration effectuée en cabinet et préparer l'intégration des autres réflexes. S'ils sont réalisés consciencieusement, en suivant les consignes données, le temps nécessaire à l'intégration des autres réflexes se réduit progressivement, ce qui permet d'intégrer plusieurs réflexes dans une même séance.

L'intégration des réflexes archaïques est possible à tout âge. C'est un processus naturel qui ne peut nuire en aucun cas. La méthode s'adapte à l'âge, au niveau de développement, aux capacités physiques et intellectuelles, à toutes les situations.

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La Psychoposturologie et les réflexes archaïques

Bien que me situant dans la droite lignée des grands spécialistes mondiaux tels que Svetlana Masgutova, Paul Landon, ou Peter Blythe et Sally Goddard, j'ai néanmoins enrichi le sujet des réflexes archaïques avec des éléments issus de la psychothérapie, de la neuropsychologie, de la neurophysiologie, et de la psychologie cognitive. Ces éléments permettent de mieux comprendre toute l'importance de ce domaine et de jeter des ponts avec la psychologie, la psychomotricité et la posturologie.

En effet, en me penchant sur ce qui se passait avant la naissance, ainsi que sur la nature de l'intelligence sensori-émotivo-motrice, j'ai réalisé que la période de développement du fœtus comprenait la mise en place d'une intentionnalité primaire. Cette intentionnalité très simple reste étonnamment stable durant toute la vie et ne fait que se diversifier après la naissance, notamment par le contact avec les objets et les êtres du monde.

Pour simplifier, le bébé forme un "moi agissant" dans le ventre de sa mère qui sera toujours le même pendant toute sa vie (nous savons tous que c'est bien nous qui sommes en train de vivre ici et maintenant, et pas quelqu'un d'autre). Son expérience ne fait que se diversifier en facettes d'un "moi agissant dans un monde" composé d'objets, d'êtres vivants, et de phénomènes (physiques, chimiques, mécaniques, etc.).

Or, les traits fondamentaux de ce "moi agissant" sont exactement les mêmes que ceux du Sens Corporel décrit par le philosophe et psychothérapeute américain Eugène Gendlin. Ce dernier a élaboré une méthode de psychothérapie appelée le Focusing, laquelle a donné naissance ensuite à la Somatic Experiencing.

Les implications vont bien au-delà, car on sait en psychologue cognitive et en neuropsychologie que des domaines très importants comme la mémoire à long terme, l'intelligence (nous l'avons vu avec Jean Piaget), la conscience, la décision, le sentiment de soi, ou l'image corporelle, reposent sur une large base implicite, procédurale et subjective.

Ma proposition peut paraître très théorique, mais elle est vraiment concrète. Car la formation de ce Sens Corporel peut être perturbée pendant la grossesse et au moment de la naissance. Si bien que la bonne intégration des réflexes archaïques se trouve déjà compromise. Par la suite, ce sont les habiletés, la capacité à entrer en relation, et les apprentissages explicites (scolaires, notamment) qui peuvent en pâtir.

A terme, la personne a l'impression que son corps ne suit pas, que beaucoup de choses lui coûtent un effort de réflexion ou de réalisation, sans pour autant obtenir des résultats satisfaisants. Certaines personnes au contraire, réussissent très bien. Mais elles sont rigides physiquement et psychologiquement parce qu'elles doivent compenser leurs difficultés en permanence. Ce sont en fait les deux facettes opposées d'un même problème de fond.